Il y a trois semaines, nous étions au colloque « Mise à jour sur l’obsolescence programmée : actualités et perspectives » organisé par l’association Halte à l’Obsolescence Programmée à Paris.

Cette rencontre était l’occasion de réunir pour la première fois des acteurs de divers horizons, tous concernés par la question de la durée de vie des produits : députés européens, industriels, associations, avocats, chercheurs, et entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire.

La journée a commencé par une intervention de l’euro député Pascal Durand qui a récemment rédigé un rapport européen sur la question de l’obsolescence. Nous vous invitons à lire notre article à ce sujet ICI.

Pascal Durand, accompagné par Baptiste Legay (Ministère de l’Ecologie), et Bertrand de Caevel (RDC Environnement), rappelle que l’enjeu n’est pas de démontrer le délit d’obsolescence organisé, car ce serait une tâche trop complexe et chronophage. Le véritable enjeu est d’encourager les initiatives qui permettent d’augmenter la durée de vie d’un produits, via des subventions, la diminution de la TVA sur la réparation, la diminution des charges sociales ou encore via la labellisation des produits dits « durables ».

Cette dernière proposition fait l’objet de travaux de recherche de Emmanuelle Font, responsable recherche et développement au LNE (Laboratoire National de métrologie et d’Essais), qui construit une méthodologie d’estimation de la durée de vie d’un produit. Sa méthode s’appuie sur la détermination de « cas d’usage ». Par exemple sur le produit « valise », on déterminera 3 durées de vie différentes en fonction d’un usage intense, régulier ou occasionnel. L’idée de pouvoir donner plus d’informations au consommateur dans son acte d’achat. Cette indication peut être critiqué car il est difficile de catégoriser des usages représentatifs.

Nous avons pu confronter notre vision de l’éco-conception des produits à la réalité des industriels : Jean-Pierre Blanc, PDG de Malongo, Joel Tronchon, directeur développement durable du groupe SEB, ou encore Anne Richez Brassart, chef de projet stratégique Boulanger Second Life étaient présents pour nous faire part de leur expérience. Tandis que SEB travaille sur la réparabilité à 10 ans et le réemploi, Malongo se fixe une garantie à 5 ans sur son nouveau produit. La plus grosse contrainte à laquelle ils sont confrontés concerne les pièces détachées. Leur disponibilité, leur stockage, leur prix, leur délai de livraison sont autant de freins à la réparation, qui inciteront le SAV ou le client à partir sur un produit neuf.

Pour lutter contre cette contrainte Boulanger innove et crée Happy 3D : une plateforme à destination des professionnels et des particuliers, permettant d’imprimer des pièces détachées en 3D. Cette nouveauté concerne pour le moment uniquement les petites pièces simples ou d’esthétisme, telles que des capots de télécommande ou boutons de gazinière.

L’open source permet au grand public de se réapproprier les savoirs faire, et des mouvements « makers » fleurissent. On peut citer le projet « Scolopendre » porté par Gael Trouvé, qui joint un Hacker Space à une Ressourcerie en vue de réemployer les déchets et de développer l’économie circulaire.

L’open source et la réparabilité posent cependant question concernant la propriété intellectuelle : comment protéger le créateur, tout en mettant à profit les innovations technologiques pour avancer ensemble vers une société meilleure ?

Cette question s’applique en particulier aux produits connectés : smartphones, PC, tablettes, imprimantes… Autant de produits que de langages de programmation, des appareils qui ne communiquent pas entre eux ou qui utilisent des formats de données différents, une masse d’informations qui les sature, des mises à jour de systèmes d’exploitation et de logiciels dont on ne peut pas connaître le contenu : le numérique est encore bien loin de l’interopérabilité. Nos objets nous « lâchent », ralentissent, ne peuvent pas se connecter à notre nouveau smartphone, et il est impossible de démontrer l’origine du problème.

Selon Frederic Mande (Ubuntu) et Marie Duponchelle (Dr. En droit), la solution est la transparence, en commençant par l’obligation « d’ouvrir » le code source et d’utiliser un langage commun. Pour cela il faudrait commencer par surmonter l’obstacle juridique lié à la propriété intellectuel, autoriser l’ouverture des équipements sans perte de garantie, et surtout rendre le numérique accessible au plus grand nombre en allant par exemple vers une sobriété numérique.

Mais que faire face à l’obsolescence perçue ? C’est à dire face à la « sensation » que son produit n’est plus d’actualité ? Il a été rappelé à de nombreuses reprises qu’une grande partie des produits jetés fonctionnent encore, et sont remplacés par des produits neufs suite à une simple envie de « changer ». Les téléphones mobiles seraient changés en moyenne tous les deux ans en France, alors que leur durée de vie est parfois estimée à une dizaine d’années. Hugues Bazin, chercheur en innovation sociale, travaille sur les « récupérateurs vendeurs » et considère qu’un travail d’éducation doit être fait sur le réemploi. Les mentalités des consommateurs pourraient évoluer si le recyclage, la réparation ou l’économie de services étaient valorisés à l’école et dans les médias. Renaud Fossard de RAP (Résistance à l’Aggression Publicitaire) insiste sur l’influence de la publicité, et milite pour un encadrement plus strict en particulier dans l’espace public. Car la réduction de nos déchets et la préservation de nos ressources passera avant tout par une évolution de nos modes de consommation.

Blandine